Rapport OLECIO 2023 sur LE SERVICE PUBLIC REGIONAL DE L’ORIENTATION

Une insatisfaction concernant l’orientation  chez les usagers
La complexité évoquée d’orientation scolaire et professionnelle induit un besoin accru d’information et d’accompagnement des usagers, conscients ou non par ailleurs des biais d’orientation auxquels ils sont exposés. Malgré une offre abondante et des acteurs engagés pour les outiller et les appuyer dans leur choix, on observe que la perception au niveau individuel est toute autre. Les dispositifs d’aide restent globalement mal connus et sous-utilisés tant par les élèves que par les adultes en reconversion conduisant à des insatisfactions en la matière.
Le manque d’information, 1ère raison évoquée par les jeunes quant au non-recours aux dispositifs publics
Il apparait aujourd’hui que le manque d’information et de connaissances sur les métiers (traditionnels, en mutation, émergents…) limite la capacité des jeunes et des actifs à se projeter dans des futurs professionnels.
Si le Baromètre 2020 sur la jeunesse de l’INJEP fait ce constat, il est confirmé sur le volet orientation par les résultats du rapport 2019 de la Fondation Jean Jaurès « Jeunes des villes, jeunes des champs, la lutte des classes n’est pas finie ». 41 % des jeunes de 17 à 23 ans estimeraient ne pas avoir suffisamment d’information pour s’orienter (un constat renforcé chez les jeunes de zones rurales : 42 % contre 32 % pour les jeunes d’agglomération parisienne).
Il existe pourtant de nombreuses sources d’information, disponibles via des supports physiques ou numériques, proposés par une quantité d’acteurs privés ou publics. Cela souligne donc en réalité le manque de lisibilité et de visibilité de ces solutions proposées par les différents acteurs. « Le mieux est l’ennemi du bien », dit-on, ce qui semble manifeste ici. La profusion d’information semble saturer la capacité des usagers à trouver la donnée pertinente, adaptée… au regard de son âge, de son statut, etc.
La découverte des métiers pour les publics scolaires : trop peu d’heures allouées dans l’enseignement
Cette difficulté à s’informer conjuguée à des temps limités dédiés à l’orientation durant les années de scolarité conduisent à une méconnaissance généralisée chez les jeunes comme les actifs de la réalité et de la diversité métiers. Au collège puis au lycée on observe une capacité des élèves à citer 20 à 50 métiers, se limitant souvent aux métiers de leur environnement direct. Ainsi, les élèves au collège ne connaissent même que 10 à 15 métiers, sur les plus de 500 référencés par France Travail dans le référentiel ROME (pour plus de 11 000 appellations au total) 35.
Tout choix étant contraint à l’éventail de choix que l’on perçoit comme s’offrant à nous, la découverte des métiers constitue un enjeu essentiel pour l’épanouissement de chacun, mais aussi un enjeu collectif de réduction des inégalités sociales.
Selon le SNES-FSU, le cadre réglementaire de la découverte des métiers reste très flou et renvoie à la maille locale, et plus particulièrement aux chefs d’établissement, l’organisation pratique de la découverte des métiers. Par conséquent, tandis que des collèges mettent en place une version minimale de la découverte des métiers dès la 5ème (depuis septembre 2023), par manque de moyens ou du fait de publics accueillis plus en difficulté et pour lesquels il est capital de consacrer plus d’heures aux enseignements sur les fondamentaux, d’autres s’investissent pleinement dans ce dispositif en s’appuyant sur leurs équipes et sur les appuis apportés par la région et les acteurs du SPRO. À aucun moment le texte ne précise que la découverte des métiers doit être réservée en priorité à certains élèves, mais les mentions sur l’apprentissage, les métiers en tension et la voie professionnelle donnent à réfléchir sur les objectifs réels de ce dispositif avec un adressage particulier sur les risques de sorties précoces du système scolaire pour les jeunes les plus fragiles.
Aujourd’hui, il s’agit seulement au collège de 12 heures annuelles en classe de quatrième et 36 heures en classe de troisième, dispensées lorsqu’elles se tiennent par les professeurs sur des heures de « vie de classe ». En voie générale et technologique, au lycée, depuis la rentrée 2018, 54 heures sont prévues chaque année pour accompagner l’élève. Un moment important d’orientation concerne la seconde avec le choix de la future terminale.
Une baisse du nombre de PsyEN qui ne permet pas de répondre aux besoins croissants
La place de l’accompagnement par les psychologues de l’Éducation nationale (PsyEN) est en baisse, les PsyEN étaient encore 4 300 en 2008, ils n’étaient plus que 3 600 en 2018. En 2008, le ratio était d’un conseiller pour 1 240 élèves ; il est aujourd’hui d’un pour 1 550 – contre un pour 800 en moyenne en Europe et un pour 500 dans des pays tels que la Finlande. À cela s’ajoute une répartition inégale sur le territoire : en France métropolitaine, les écarts peuvent varier de 4,64 PsyEN pour 10 000 élèves dans l’académie de Grenoble à 8,21 dans celle de Limoges36. Par ailleurs, le poids de l’accompagnement psycho-social prend de plus en plus d’importance, au détriment de l’orientation, réduisant encore le volet accompagnement sur ce point de chaque élève.

LE SERVICE PUBLIC REGIONAL DE L’ORIENTATION – BILAN ET PERSPECTIVES
Un nombre important de lieux d’information et de formations qui ne semble pas simplifier la tâche des usagers
Avec un faible volume horaire accordé à la découverte des métiers, à l’orientation et à l’information, couplé à un grand nombre de formations proposées par un grand nombre d’acteurs, la prise de décision s’avère complexe. Qui plus est, dans une situation économique qui contraint les moyens des foyers français, en primo-orientation comme en reconversion, ce choix correspond à un investissement conséquent pour lesquels les premiers concernés (et leur entourage) ne veulent pas se tromper. Dans un climat souvent anxiogène en matière d’emploi et de perspectives d’emploi, l’enjeu concourt aussi à complexifier le choix.
Au niveau national, plus de 6 300 offres de formation sont proposées à l’issue de la troisième malgré les efforts des pouvoirs publics pour rationaliser et clarifier l’offre. Ainsi, à la suite de la réforme de 2013, on est passé de 5 000 intitulés de masters à 251, de 1 800 intitulés de licences professionnelles à 175 et de 322 intitulés de licences générales à 45. Mais si on ajoute à ces chiffres ceux des cursus de BTS, IUT, CPGE, écoles spécialisées et autres, l’offre reste très dense et souvent difficilement lisible en matière de débouchés réels, de conditions d’emploi… Au moment des choix Parcoursup, ce sont plus de 13 000 formations en 2018 qui étaient proposées au travers d’un outil souvent mal compris et ajoutant à la difficulté à s’orienter.
Ce flux massif de formations, souvent non triées et catégorisées, ne permet pas une appréhension des enjeux et une assimilation des informations satisfaisantes. Preuve en est, près de quatre étudiants sur dix se réorientent dès la première année d’études supérieures37. Ce chiffre démontre que les carences en matière de connaissance des métiers et des formations puis d’orientation engendrent des orientations académiques et professionnelles souvent erronées, les jeunes et leurs familles ne possédant pas toutes les clés pour prendre des décisions. Par la suite, dans son parcours professionnel, la problématique reste globalement semblable.
Par ailleurs, les formations suivies par les jeunes peuvent s’avérer en décalage avec leurs attentes, et seule la moitié des 18-30 ans avaient une idée précise de leur future carrière un an avant d’entrer sur le marché du travail, selon une étude réalisée par Opinion Way pour My Job Glasses. Ils sont même 20 % à déclarer qu’ils n’ont jamais vraiment choisi : soit ils ont accepté un premier poste sans savoir pourquoi, soit ils ne sont pas encore en poste et ignorent toujours ce qu’ils veulent faire plus tard. Si l’on ne choisit pas une formation uniquement pour ses perspectives professionnelles, celles-ci ne devraient pas être ignorées à ce point par les personnes formées.
Les usagers, et les jeunes en particulier, se déclarent insuffisamment soutenus et accompagnés
Entre 15 et 19 ans, en 2021, 12,8 % des jeunes ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi (NEET)38, un chiffre légèrement inférieur à la moyenne européenne (13,1%), qui souligne des difficultés françaises dans la capacité à proposer des perspectives compréhensibles par chacun.
Là encore, des inégalités de genre se manifestent : entre 15 et 24 ans, les jeunes hommes sont plus souvent NEET que les jeunes femmes (11,4 %, contre 9,7 % en 2021). Ils sortent en moyenne plus précocement du système scolaire et se trouvent à ces âges en situations d’actifs, en proportion plus souvent en emploi que les filles, mais aussi plus souvent sans emploi ni formation. A contrario, entre 25 et 29 ans, les femmes sont plus souvent NEET que les hommes (19,8 % contre 14,9 %). Moins souvent au chômage que les hommes, les femmes à ces âges sont en revanche plus nombreuses à s’éloigner du marché du travail ; elles sont plus fréquemment inactives, notamment du fait des maternités et congés parentaux. Entre 25 et 29 ans, deux tiers des femmes NEET ont un enfant, contre un tiers de celles en emploi39.
Finalement, une prépondérance des usagers à se tourner vers leur famille pour leur orientation plutôt que vers des professionnels
Les 18-24 ans comptent d’abord sur eux-mêmes et leur entourage pour leur venir en aide40. Les jeunes se tourneraient alors en priorité (35 %) vers leur famille et les réseaux sociaux pour s’informer et préparer leur orientation post bac (Internet 21 %, professeurs 15 %, conseiller d’orientation 11 %). A défaut de se tourner vers les services et solutions proposés à cet effet, les usagers se tournent vers leur famille pour leur orientation, ce qui contribue à perpétuer les inégalités territoriales et sociales. Ainsi, 37 % des jeunes estiment que leurs parents les ont poussés à choisir une option41.
L’enquête du Crédoc révèle que 18 % des jeunes déclarent avoir eu recours à un coach en orientation (7 % ayant rencontré un coach payant et 11 % un coach gratuit). Comme souvent, on note que les parents des élèves qui recourent à ces services n’ont pas le même profil. Ce « privilège » est plutôt réservé aux milieux favorisés et concerne 22 % des enfants de cadres contre 12 % des enfants d’employés. Cet écart se creuse à mesure que la prestation devient payante42.
Une enquête de 2022 menée par IPSOS auprès des néo-bacheliers vient confirmer ces biais. Les acteurs de l’orientation avec lesquels les élèves ont cherché à échanger sur leur orientation sont dans l’ordre43 :

Leurs proches, leur famille à 77 %

Leur professeur principal à 56 %

Des étudiants ambassadeurs ou anciens élèves du lycée à 26 %

Des représentants de formations supérieurs à 26 %

Le conseiller d’orientation de leur lycée à 20 %

Un CIO (centre d’information et d’orientation) à 15 %

Des acteurs spécialisés proposant des outils numériques d’aide à l’orientation via parcoursup.fr à 8 %

Le CPE (conseiller principal d’éducation) de leur lycée à 3 %
Les actifs en reconversion et des besoins tout aussi essentiels en information / orientation
52 % des actifs auraient envie de changer de métier, alors même que 45 % des actifs ont déjà changé de métier une fois dans leur vie. Ces chiffres témoignent d’une mutation profonde du modèle traditionnel et des besoins nouveaux des individus au niveau de leur parcours professionnel. Qui plus est, ces actifs expliquent qu’ils étaient mal préparés à leur intégration sur le marché du travail, ce qui occasionne également des réorientations précoces. Comme souligné précédemment, ils n’ont que trop rarement idée de ce sur quoi ils travailleront réellement à la sortie de leurs études et 70 % des jeunes estiment même que les enseignements reçus ne sont pas adaptés au monde du travail44.
Les individus qui décident de se réorienter en cours de carrière semblent par ailleurs présenter des caractéristiques communes. Selon Arnaud Dupray et Dominique Epiphane du CEREQ, ces individus sont rentrés en moyenne plus vite sur le marché du travail avec des qualités d’insertion moins satisfaisantes. Par ailleurs, l’insatisfaction professionnelle des personnes est un facteur de reconversion. Ces actifs déclarent un degré d’insatisfaction de leur situation occupée à trois ans plus fort que les autres. Ils font également face à des difficultés, principalement financières : 45 % des actifs aspirent à une meilleure rémunération en changeant de métier45.
Des services (ex. conseil en évolution professionnelle [CEP], projets de transition professionnelle…) et des outils s’adressent spécifiquement à ces publics, mais là encore les taux de recours soulignent une appropriation très partielle chez les publics adultes. On observe en effet là aussi une profusion d’outils, d’événements et d’offres d’accompagnement publics et privés qu’il est difficile de distinguer pour les usagers. En 2022, près de 156 000 actifs ont activé leur droit au CEP, ce qui représente une augmentation de 52% par rapport à 2020, où 102 130 personnes avaient entamé un CEP46, mais il est complexe de suivre et évaluer l’efficacité de ces accompagnements.
Bien que l’obtention d’un diplôme soit un facteur facilitant l’entrée sur le marché du travail, il est notable qu’environ un tiers des actifs n’a pas été formé pour le métier qu’il occupe. De plus, environ 45 % des jeunes entrant sur le marché du travail exercent un emploi pour lequel ils n’ont pas été spécifiquement formés47. Cette réalité contribue grandement au nombre élevé d’actifs en reconversion professionnelle. Il est donc impératif de mettre en place des dispositifs adaptés pour les accompagner dans cette transition, afin de maximiser leur potentiel et leur intégration dans des secteurs qui correspondent mieux à leurs compétences et aspirations.

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